❝ La vie a toujours été parsemée d'embûches et de situations difficiles. Les hommes s'entretuent depuis la nuit de temps. Ce n'est pas nouveau. Il faut vivre avec cette idée que la mort nous guette et nous épie. Elle nous suit pas à pas, attendant avec impatience l'ordre divin. Alors, une fois l'acte de mort signé, le temps s'efface, il n'y a plus ni passé, ni futur, ni même présent.
La mort frappe aussi vite que son ombre, elle est pressée. ❞

Akio est né dans le village habité par les Kuruta, il y a 16 ans de cela. Il eut une enfance normale au sein de ce village, profitant d'une famille aimante et de nombreux amis. Sa mère était originaire du clan Kuruta, tandis que son père appartenait à une illustre famille d'anciens samouraïs. Même si Akio profitait d'une vie heureuse et paisible, ce n'est pas ce à quoi il aspirait. Sa soif d'apprentissage et de découverte le poussait à vouloir côtoyer le monde extérieur, et cette volonté s'exprima par de nombreuses tentatives de fugues infructueuses. 

Au fil du temps, son père remarqua bien que le désir d'exploration d'Akio n'était pas prêt de s'atténuer. Il était parfaitement capable de le comprendre, car même lui, après plusieurs années passées dans ce village, ne s'y était pas habitué. C'est pourquoi il prit la décision de quitter le village temporairement pour partir en voyage avec son fils et sa fille. Bien qu’étant étranger au village initialement, le père d'Akio était particulièrement respecté au sein des Kuruta. Notamment pour sa puissance hors-norme et ses connaissances approfondies dans de nombreux sujets. Ainsi, lorsqu’il émit le souhait de quitter le village pour se ressourcer, nul ne s'opposa à cette décision.

Akio était alors âgé de cinq ans, tandis que sa soeur, Kaede, en avait huit. Ils furent tous deux ravis de l'apprendre, même si ça les désolaient un peu de laisser leur mère et le reste de leur fratrie sur place. De toute manière, ce n'était que passager, ils allaient bien revenir leur rendre visite un jour ou l'autre. 

Akio, sa soeur et son père explorèrent plusieurs contrées, en passant par les hautes montagnes de Padokia, les terres de Kakin ou encore les hauts gratte-ciels de York-Shin. Ce voyage dura environ deux ans, ce furent probablement les meilleures années d’Akio. Il apprit un tas de choses sur le monde, son environnement et son fonctionnement. Le jeune Kuruta était complètement ébahi devant tant de nouveautés. Son périple s'acheva au Jappon, pays natal de son père. Ce dernier voulait très certainement montrer à ses enfants les paysages idylliques et les coutumes de son pays. Cependant, alors qu’ils traversaient une forêt dense, le père d’Akio fut surpris par la présence d’une espèce rare en ces lieux : Un éléserphant, cette espèce appartenait à la famille des pachydermes, mais sa trompe était munie de crocs capables d’injecter du venin à sa victime.

Ni une, ni deux, cette bête s’élança trompe en avant vers Akio qui ne se doutait de rien, il lui mordit le bras, injectant son venin mortel dans le corps d’Akio. Cependant, vous vous doutez bien que son père n’était pas resté de marbre, il dégaina son sabre au même instant, trancha d’un coup net la trompe de l'animal. Ce dernier prit aussitôt la fuite.

— Ce n’est pas normal, ces bêtes n'attaquent pas les hommes à l’état sauvage, je me demande bien ce qui les motive.

— Papa... J'ai peur...

— Ne t'inquiète pas. Je vais m'occuper de toi.

Il aspira le venin, mais malheureusement, ce dernier fut absorbé par les muqueuses de sa bouche. Le responsable légal d'Akio fut pris de spasmes, avant de s'effondrer au sol, entièrement paralysé. Il avait été touché par le venin en essayant de bloquer la trompe. Ses poumons et son coeur n'arrivaient que difficilement à suivre, et il s'éteignit ainsi devant Akio. Dans un dernier souffle, il lui dit.

— Mon fils... Je... Je suis désolé... Enfuis-toi... Vite...

Akio avait les jambes qui tremblaient, il ne savait pas comment réagir. Sa soeur avait perdu connaissance à cause de la peur. Il ramassa le sabre de son père pour se défendre et protéger sa soeur, et resta figé sur place. Peu à peu, il sentit ses yeux virer à l'écarlate, et sa conscience le quitter. Lorsqu'il reprit finalement connaissance, il était seul, à côté de son père et sa soeur au milieu d'une dizaine de cadavres d'éléserphant se vidant progressivement de leur sang. Il jeta un dernier regard au visage de son père, avant de voir arriver des hommes dans une camionnette tout terrain.

— Il m'a protégé. Il est mort maintenant. C'est... à cause de moi.

Incapable de faire le moindre mouvement, ou d'accepter la réalité. Akio resta silencieux. Il était couvert de sang. Les hommes qui venaient d'arriver l'embarquèrent lui et Kaede, et les enfants furent attachés en chemin. En réalité, il s’agissait pas d'un concours de circonstances, mais bel et bien d’une attaque de brigands, ayant pour but de dépouiller Akio et son père, sans laisser un seul témoin. Mais ce qu'ils venaient de voir avait modifié leurs plans initiaux.

Alors qu'il n'était même pas encore remis du traumatisme qu'il venait de subir, il fut vendu à bon prix à un Hunter peu scrupuleux. Ce dernier organisait des combats clandestins dans un souterrain. D'autres individus venaient parier sur le vainqueur, et c'est ainsi que le Hunter générait des bénéfices.

Au début, Akio fut placé dans une salle avec deux autres enfants de son âge. Le sabre de son père était toujours avec lui. Et les autres enfants aussi étaient armés. L'un possédait un poignard, tandis qu'une autre était armée d'un wakizashi. Ses yeux s'habituaient progressivement à l'obscurité, et c'est alors qu'il put reconnaître Kaede. Une voix s'éleva ensuite dans la salle depuis un haut parleur.

— Nous allons jauger vos capacités. Battez-vous, l'unique survivant aura le droit de survivre.

Quelle situation désespérée, voilà qu'Akio était désormais obligé de se battre contre quelqu'un d'autre, et surtout, contre sa soeur... L'inconnu se précipita vers Kaede, armé de son poignard. A cet instant, le corps d'Akio réagit par instinct, s'interposant entre les deux enfants avant de trancher le bras de l'assaillant. Il n'y croyait pas tellement c'était irréel. Le blessé se vidait de son sang, tout en poussant des cris de douleur atroces. Jamais Akio ne pourra oublier ces cris, et plus encore ce qui s'en suivit.

Le jeune Kuruta se retourna pour faire face à sa soeur. Il tremblait, et la voix retentit à nouveau pour répéter les règles avec une voix monotone. Visiblement, sa soeur se trouvait dans le même état que lui. Rapidement, Akio dut prendre une décision. Soit il cherchait à éliminer sa soeur, soit il se laissait mourir pour qu'elle survive. Rapidement, il décida du plan qu'il allait mettre à exécution. Akio choisit de faire mine d'attaquer sa soeur, mais de la laisser lui porter un coup fatal. Il fallait qu'il ait l'air le plus impitoyable possible pour que sa soeur ne vive pas dans le regret toute sa vie. 

— Kaede, de toute façon je t'ai jamais aimé, je t'ai jamais considéré comme ma soeur. Je m'en fiche complètement si tu meurs !

Il prononçait ces mots avec difficulté, avant d'avancer vers elle. Cependant, il ne put aller au bout de ses objectifs, puisque face à la violence inouïe de ses propos, Kaede se donna la mort devant ses yeux. Tout en versant des larmes, elle s'enfonça son arme dans le ventre à la manière du seppuku des samouraïs. 

— Noooooooonnnnnnn !!!! Ce n'était pas censé se passer comme ça ! Kaede, reviens !!! Je suis désolé... C'est de ma faute... Si j'avais eu le courage de mourir de ma main, on n'en serait pas là...

La soeur d'Akio chercha à articuler quelques mots, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Cependant, son visage, malgré la souffrance, semblait plus apaisé en entendant les paroles d'Akio. Sûrement était-elle soulagée que les propos énoncés plus tôt par Akio n'étaient qu'un ramassis de mensonges. Mais pour Akio, c'était le pire scénario imaginable. Il était brisé. La même voix qui avait donné les ordres plus tôt retentit à nouveau.

— Bravo ! Numéro 49, tu es l'heureux survivant. Tu as gagné le droit de te battre pour ta survie.

Ce son résonnait comme un écho lointain dans la tête d'Akio, son esprit était ailleurs. Il n'arrivait pas à accepter sa situation. C'est sûrement à cet instant qu'un changement s'opéra en lui, impactant fortement le développement de sa personnalité.

Durant de nombreuses années, il vécut sans voir ne serait-ce qu'un seul rayon de soleil. Condamné à se battre incessamment contre d'autres enfants pour le plaisir des parieurs venus des quatre coins du monde pour assister à ce spectacle. Au début, il se faisait complètement maltraiter. Mais rapidement, il s'adapta, forgeant son corps et son esprit au combat. Ces combats se déroulaient à mains nues au départ. 

Dans sa cellule, il n'y avait que quelques livres poussiéreux, une grille donnant sur l'intérieur du siège des combats, et une grille menant à un tunnel sombre. Akio avait souvent l'impression d'être surveillé depuis ce même encadrement. Et parfois, des bruits sinistres en sortait. Un jour, après plusieurs mois à se battre pour le compte du Hunter, il essaya de s'enfuir. Il se faufila à travers les barreaux, espérant trouver une sortie à ce labyrinthe de galeries souterraines. Des échos lointains lui apparaissaient au loin, mais il se contentait d'avancer, à la recherche d'une sortie. Après quelques recherches, il aperçut un rayon de lumière au loin. Mais alors qu'il se pensait tiré d'affaire, des bruits de pas rapide se firent entendre derrière lui. Cette démarche n'avait rien d'humain, un monstre voulait s'en prendre à lui. Il courut de toutes ses forces pour atteindre la surface. Il y parvint de justesse, pouvant observer la silhouette d'une taupe géante avec des crocs de carnivore dans l'obscurité du tunnel.

Akio était soulagé, il avait finalement réussi à fuir. Il pouvait maintenant aller contacter les forces de l'ordre pour signaler la présence de cet établissement et libérer les autres enfants. Dès qu'il fut arrivé dans la ville la plus proche, il se rendit au commissariat pour expliquer sa situation. Les policiers parurent embarrassés, puis passèrent un appel. Pendant ce temps, Akio leur décrit dans quelles condition étaient retenus les enfants, et que certains d'entre eux en mourraient même. Les policiers se contentèrent de lui dire :

— Cela ne m'enchante pas mais les Hunters ne sont pas inquiétés par les conséquences juridiques d'un meurtre. De plus, monsieur H, qui semble correspondre à la description, est votre responsable légal. Il ne peut par conséquent pas être coupable d'enlèvement. Je sais que vous, les jeunes, avez une fougue débordante à votre âge, mais tâche de causer moins d'ennuis à l'avenir.

Akio restait sans voix, il chercha à s'enfuir mais on le retint jusqu'à l'arrivé du Hunter, qui n'était pas enchanté par la situation. Il récupéra Akio et plaça un dispositif GPS dans sa main droite, ce dernier était aussi capable d'envoyer une décharge à souhait, et le Hunter ne se gêna pas pour apprendre la leçon à Akio en l'utilisant. Faisant fi des cris atroces de souffrance étouffés par les souterrains.

Durant de nombreuses années encore, Akio dut se battre et reçut des décharges d'intensité croissante suivant la qualité de son affrontement. Mieux il combattait, moins il souffrait physiquement. Mentalement, en revanche, il était anéanti. Tous les jours, il reconsidérait ses choix, et sa propre faiblesse. S'il avait été plus fort, rien de tout ça ne serait arrivé. S'il avait choisi de se battre contre le Hunter au lieu de se conformer à la voix par crainte, les évènements auraient été différents. L'Enfant au Regard de Braise était incapable de dormir correctement tant ces pensées intrusives gangrénaient son esprit.

Lorsqu'il eut 14 ans, il fut transféré dans la section supérieure des combats. On lui donna le katana de son père, et il devait participer à de véritables combats à mort. Cet évènement, de par sa ressemblance avec celui ayant mené à la mort de sa soeur, l'affectait si profondément que ses yeux devenaient écarlates systématiquement lors des combats. Il avait aussi l'air complètement différent dans ses mouvements quand il était dans cet état. C'était comme s'il devenait un maître du sabre invincible. Il vainquit une dizaine d'adversaires d'affilés de la sorte, au plus grand plaisir du Hunter qui vit son chiffre d'affaire grimper en flèche. Il était gardé sous contrôle en laissant son arme dans la zone de combat. Le Hunter pensait qu'Akio ne pouvait rien tenter dans ces circonstances.

Mais un jour, après un combat rapide contre une fille ressemblant vaguement à sa soeur, les yeux de l'Enfant au Regard de Braise ne retrouvèrent par leur état normal. Sa rage transpirait dans chacun de ses mouvements. Il s'approcha de la grille métallique renforcée qui protégeait les spectateurs, et la trancha nettement d'un coup de sabre. C'était comme si une énergie étrange recouvrait légèrement ce sabre. Il élimina la majeure partie d'entre eux, excepté une minorité de la foule ayant réussi à s'enfuir à temps. Puis il se tourna vers le Hunter, toujours avec des yeux couleur sang.

Ce dernier prit peur en voyant le regard d'Akio, mais surtout en regardant son sabre. Il chercha à s'enfuir. Akio le poursuivit avant que le hunter ne se retrouve dos au mur, avec pour seule échappatoire un camion blindé situé derrière lui. Il chercha à gagner du temps en activant le système électrique implanté dans le bras d'Akio pour le neutraliser, mais l'adolescent ne réagit pas autrement qu'en resserrant sa prise sur son katana et en serrant les dents. Il put asséner un coup de katana net qui sectionna le réservoir à essence du camion, mais qui fut esquivé par le Hunter qui s'était mis au sol. La situation était si désespérée pour lui, qu'il chercha à neutraliser Akio par tous les moyens, quitte à le tuer. Il augmenta la puissance électrique au maximum, mais Akio restait debout, demeurant seulement paralysé, incapable de faire le moindre mouvement.

Le dispositif dans sa main explosa à cause de la puissance disproportionnée, entraînant de graves lésions tissulaires. Quelques étincelles vinrent se déposer sur la flaque d'essence qui gisait au sol, brûlant vif le Hunter par la même occasion. Akio ne bougea pas, regardant l'homme se consumer jusqu'à ce que mort s'en suive. Puis l'Enfant au Regard de Braise s'écroula au sol.

Lorsqu'il se releva, il était déboussolé, mais il aida les autres prisonniers à s'enfuir, avant de partir lui aussi. Son objectif lui apparaissait clairement. Il allait annihiler l'Association des Hunters pour laver l'honneur de son père et de sa soeur. Seulement après, il pourrait rentrer dans son village natal pour tout expliquer au reste de sa famille qui était sur place. Encore à ce jour, Akio ignore que son clan a été intégralement décimé par la brigade fantôme et que même s'il achève sa vengeance, il est seul et n'a nulle part où aller.